mardi 23 février 2010

Nouveau livre de Bruno Coppens

L'humoriste, chroniqueur et comédien belge Bruno Coppens (www.brunocoppens.com) vient de sortir un recueil de ses chroniques, intitulé "Le fond de l'ère effraie" (éditions Luc Pire). Voici l'interview qu'il a accordée au journal "La Dernière Heure/Les Sports" :

"Où puisez-vous votre inspiration pour l'écriture de vos billets?
- Je pars généralement d'observations de la vie quotidienne. En lisant les journaux, certaines choses m'interpellent. Je démontre aux gens avec ce bouquin que je peux les convaincre du contraire de ce qu'ils pensent. Il est possible d'être contre Obama, d'être contre ceux qui sont contre Reynders, d'être contre ceux qui sont contre le prince Laurent.
- A la lecture de la presse, quelles sont les informations qui retiennent le plus votre attention?
- Monseigneur Léonard qui fait pire que mieux en comparant les "homorexiques" et les "anosexuels" puisque lui-même ne sait plus qui est qui ; le MR qui essaie de se donner un visage beaucoup plus humain ; Jean-Michel Javaux qui avoue ses convictions religieuses.
- Quelle est l'origine de votre passion pour la langue française?
- Bien qu'on habite à Tournai, ma maman parlait le flamand. Donc, très petit déjà, je savais qu'il fallait se battre avec le français. En grandissant, j'ai découvert les problèmes linguistiques et communautaires. Et j'ai compris qu'il fallait défendre notre patrimoine culturel et linguistique. Mes premiers textes, c'étaient des poésies pour séduire les filles. Dès mon entrée à l'unif, j'ai commencé à écrire des textes assez potaches qui faisaient rire les autres étudiants.
- Vous êtes licencié en philologie romane. Comment vous êtes-vous retrouvé sur scène?
- En 1982, alors que je terminais mes études, j'ai remporté le Prix de la Presse et du Public au Festival du Rire de Rochefort. Je rêvais d'être prof de français. Ces études m'ont permis d'entrer de plein pied dans la langue française. Mais le métier d'enseignant m'a déçu. Je n'avais pas la vocation. Ce que je n'aime pas avec l'école, c'est qu'elle dégoûte les jeunes de la langue française. Aujourd'hui, avec mes spectacles, je veux transmettre aux jeunes le goût de la langue française. Il faut qu'ils comprennent qu'elle n'appartient pas à Larousse et à Robert!".

jeudi 18 février 2010

"C'est le Brol aux Marolles" (Georges Roland)

"C'est le Brol aux Marolles" est un roman bien écrit et agréable à lire, avec quelques belgicismes et expressions bruxelloises, qui commence dans un parc de notre capitale surveillé par l'agent Bertrand Dughesclain. J'ai posé quelques questions à son auteur, Georges Roland :

"Comment avez-vous eu l'idée de ce roman? Y a-t-il une part d'autobiographie?
- "C'est le Brol aux Marolles" est la version réécrite d'un premier roman : "Houadepiti", paru chez The Book Edition. Pour cette nouvelle mouture, j'ai imaginé le "personnage" de Roza la rame ; elle me permettait quelques excentricités et impertinences qui me démangeaient la plume. Il n'y a rien d'autobiographique dans le roman, il s'agit d'impressions captées dans la rue ; c'est une étude humoristique et bienveillante de mes contemporains. Je n'ai en rien voulu écrire un polar, mais plutôt décrire la truculence, la bonhomie, la pluralité et l'humour bruxellois ; c'est pour cette raison que j'ai affublé ma pauvre Roza d'un accent à couper à la serpette. Pratiquement tous mes récits, qu'ils soient comiques ou non, se passent à Bruxelles mais il s'agit avant tout d'un Bruxelles idéalisé et toujours fleuri de cet irrésistible accent que j'aime. L'arrière-plan flamand sur lequel évolue mon écriture me permet d'aller très loin dans l'impertinence et l'humour, et si la simplicité de la lecture fait penser au style d'un roman ferroviaire, il se veut avant tout proche des gens et s'exprimant dans "une des langues les plus imagées d'Europe" disait José-Alain Fralon.

- Est-ce facile de faire la promotion de son premier roman? Quelles difficultés rencontrez-vous?
- C'est une galère. Il va de soi que l'on n'est pas (encore) reconnu par la haute autorité (?) de l'édition, si on n'a pas un "bon piston" pour qu'un comité de lecture daigne se pencher sur votre récit, vos chances sont minces. Quant à parvenir à faire connaître son livre... Et pourtant! Quel parcours! On écrit un récit, on le relit, corrige, relit, réécrit, parfois, relit encore, puis on crée une couverture, on met en page, on collationne encore, et enfin, on peut le faire imprimer, seule tâche confiée à autrui. Très souvent, ce livre-là, les libraires et le public le considèrent comme le sous-produit d'un amateurisme béat. Il est sans doute plus facile de laisser à d'autres le soin de juger si un livre sera un nanar ou un canon des ventes. Mais voir un jour ce livre sur l'étal d'un libraire, constater qu'il en a vendu quelques exemplaires, que les clients l'ont trouvé agréable, voilà une satisfaction d'artisan non négligeable. J'ai créé les Editions Bernardiennes (www.bernardiennes.be) afin de pouvoir présenter et distribuer l'ensemble de mes livres sous un même label, un même type de couverture, et sans passer par les canaux habituels des "éditeurs à la demande". Ils possèdent tous un numéro ISBN, sont déposés à la Bibliothèque Royale, comme l'exige la loi. Ils ne sont en rien différents d'un tome sorti chez un éditeur renommé.

- Quels sont vos projets?
- Poursuivre! J'ai un roman prêt pour l'édition, "Le Pantin de l'Impasse", qui est loin d'être humoristique. Je termine "Cartache", la suite des aventures des héros récurrents de "C'est le Brol aux Marolles". Un recueil de nouvelles consacré en grande partie à la face cachée de l'être humain, paraîtra lui aussi en 2010. Ecrire a été la passion d'une vie, de la poésie au roman, en passant par les pièces de théâtre, dont la plupart ont été interprétées. Il me reste encore, dans mes tiroirs, de quoi occuper mes soirées d'hiver".

lundi 15 février 2010

"Noël en ce monde : contes pour aujourd'hui" (C. Nys-Mazure)

Fidèle à sa foi, Colette Nys-Mazure a consacré tout un livre à la Noël en 2009, comme elle l'avait fait dix ans plus tôt dans "Contes d'espérance". Elle nous raconte la Nativité et des histoires qui se terminent par un message positif. Dans la nouvelle "De tombeaux en berceaux", elle évoque à nouveau Elisabeth, son amie décédée, à qui elle avait dédié "Célébration du quotidien". Colette nous invite à l'espérance de jours meilleurs, et rappelle que la Vie est plus forte que la Mort.

Certains passages sont autobiographiques, comme lorsqu'elle parle de ses grands-parents paternels : "Bon-Papa était accablé par la mort de son fils aîné, mon père, et lui survivait tant bien que mal. Bonne-Maman était exsangue et répétais aux amies, à voix basse, mais je l'entendais : "Ce n'est pas naturel, nous aurions dû partir les premiers". Elle et lui souffraient différemment : un mur de silence s'élevait entre eux ; leur dignité leur interdisait de mendier près de l'autre le tendre réconfort dont ils auraient eu besoin".

La bonne idée de ce livre très bien écrit, c'est d'avoir ajouté un CD d'une vingtaine de minutes. La voix douce de Colette et la musique d'ambiance donnent une autre perception des textes. Elle nous propose également un conte de Noël à jouer en famille ou entre amis.

Dans sa conclusion, Colette écrit : "Noël à l'horizon. Seigneur, aide-moi à faire bon usage de la nostalgie. A ranger allègrement dans une malle les jardins d'enfance définitivement clos qui continuent à encenser la mémoire (...) S'ils illuminent notre souvenir, ils risquent aussi de nous y fixer, de nous alourdir. Ne permets pas, Seigneur, que nous gênions les autres de nos regrets, de nos déceptions. Demain, c'est Noël. Ne pourrions-nous déposer notre bagage non pour l'oublier, mais pour courir plus léger vers Toi, vers nos frères, sans encombrer personne de notre trésor privé, à jamais inaliénable?". Ces deux extraits sont tellement vrais ; combien de personnes vivent dans le passé sans prendre la peine de vivre le moment présent...

lundi 8 février 2010

Agenda de nos auteurs

12 février 2010 à 20h : Soirée autour du polar à la Maison du Livre (24-28, rue de Rome à 1060 Bruxelles) avec Pieter Aspe et Alain Berenboom comme invités. Le premier est l'auteur d'une vingtaine de thrillers se déroulant le plus souvent à Bruges, dont cinq ont été traduits en français. Avec "Périls en ce royaume" et "Le roi du Congo", le second a inauguré un cycle de romans policiers dans la Belgique de l'après-guerre.

24 février 2010 (de 19h30 à 21h) : Rencontre littéraire avec l'auteur Florian Houdart à la bibliothèque publique de Lessines pour son premier roman "Black-out" sorti aux éditions Chloé des Lys.

25 février 2010 à 19h : A la Maison de la Poésie (Namur), soirée autour de la littérature belge avec Bibiane Fréché (pour son essai "Littérature et société en Belgique francophone") et Jean-Marie Klinkenberg (pour son essai "Petites mythologies belges").

27 février 2010 à 12h : A la librairie Quartiers Latins (place des Martyrs à Bruxelles), l'auteur Colette Nys-Mazure parlera de son intérêt pour l'oeuvre de Madeleine Bourdouxhe, dont deux livres "A la recherche de Marie" et "Les jours de la femme Louise" ont été ré-édités chez Actes Sud.

Du 4 au 8 mars 2010 : Foire du Livre de Bruxelles (www.foiredulivredebruxelles.be). Je voudrais féliciter la province du Luxembourg qui, chaque année, loue un stand accueillant et bien présenté pour mettre en valeur les écrivains de cette province, connus ou non (toutes maisons d'éditions confondues). Plus d'infos sur www.servicedulivre.be/activite/Foire_du_livre_de_bruxelles.htm

5 mars 2010 à 20h : Rencontre avec Nicolas Ancion (Prix Rossel des Jeunes 2009 pour "L'homme qui valait 35 milliards") à la bibliothèque de Thimister-Clermont.

9 mars 2010 : Dans le cadre du Printemps des Poètes, Colette Nys-Mazure présentera son nouveau livre "Courir sous l'averse" au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris.

12 mars 2010 à 12h30 : Présentation du livre "L'assassinat d'Yvon Toussaint" (éditions Fayard) d'Yvon Toussaint par Jacques De Decker à la bibliothèque des Riches Claires à Bruxelles. Journaliste à la retraite, le narrateur découvre sur Internet la mention de son homonyme : un sénateur haïtien, médecin, abattu d'une balle en pleine tête en 1999 à Port-au-Prince. L'ancien journaliste belge se rend sur place et reconstitue la vie de cet autre Yvon Toussaint.

13 mars 2010 : Dans le cadre du Printemps des Poètes, Yves Namur présentera son anthologie "La nouvelle poésie française de Belgique" au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris.

20 et 21 mars 2010 : Très nombreuses activités à la Maison de la Poésie (Namur) à l'occasion du Printemps des Poètes et de la Journée Mondiale de la Poésie.

mardi 2 février 2010

"La charrette de Lapsceure" (Nicole Verschoore)

Née à Gand en 1939, Nicole Verschoore est docteur en philosophie et lettres. Au cours de sa carrière de journaliste, elle travaille pour le quotidien "Het Laatste Nieuws", "Le Nouveau Courrier" et "La Revue Générale". Son premier roman, "Le maître du bourg", est publié en 1994 et reçoit le Prix France-Belgique 1995.

"La charrette de Lapsceure" est une grande fresque racontant l'histoire de la Flandre aux 19ème et 20ème siècles à travers "tant d'existences parallèles tendues d'un siècle à l'autre comme les fils d'une dentellière attachés à son coussin", pour reprendre les mots de l'auteur. La lecture des premiers chapitres n'est guère aisée avec le nombre élevé de personnages et l'absence d'un héros principal. J'ai eu un peu de mal à m'y retrouver au sein de cette grande famille. Le récit est régulièrement coupé par des rappels historiques sur l'extrême pauvreté de la Flandre au 19ème siècle ou l'évolution du droit de vote jusqu'au suffrage universel voté après la première guerre mondiale.

Après avoir évoqué la guerre scolaire entre les écoles officielles et catholiques qui atteint le petit village de Lapsceure où enseigne Théodore, le patriarche de la famille, Nicole Verschoore écrit un passage très engagé sur la religion : "De nos jours, dans nos démocraties compliquées, les nouvelles générations qui ne s'intéressent plus au passé du pays ne peuvent tirer de l'Histoire les modèles qui, hélàs, se répètent sous d'autres cieux et dans d'autres couleurs. Il faut se méfier de l'attrait de la religion combattante. Ne lui accorder aucun droit. Dans toutes les populations, le même besoin d'absolu et de guidance pousse les âmes vers la foi, mais les éléments les moins émancipés ne perçoivent pas la différence entre la religion et l'armée d'un clergé qui craint de perdre son pouvoir absolu. La civilisation doit se munir contre ce que les armées de croyants imaginent devoir faire sous les ordres de leur clergé".

Au milieu du livre, l'histoire devient plus facile à comprendre et l'auteur donne l'explication du titre : "La charrette de Lapsceure" évoque le départ en charrette en 1880 de l'instituteur Théodore, de son épouse Louise et de leurs enfants du village de Lapsceure vers Courtrai. Louise décède en 1893 à l'âge de 43 ans. Théodore se remarie six mois plus tard et devient archiviste de la ville et un historien reconnu. L'un de ses fils, Alphonse, est engagé dans le mouvement flamand, tandis qu'un autre, Renier, est curé aux Etats-Unis.

Nicole Verschoore place ses personnages au sein de la société belge de l'entre-deux-guerres : "Deux populations vivaient en Belgique dans deux univers totalement dissemblables : le peuple et les nantis. Les intermédiaires qui ne plaisaient pas au gouvernement et qui commençaient à se faire représenter à la Chambre étaient les Théodore et les Alphonse, intellectuels issus du peuple, idéalistes qui désiraient l'émanciper et le sortir de son état d'esclave. Une quantité de nouveaux nantis comme Constant, issus des grandes écoles francophones, formaient une deuxième sorte d'intermédiaires. Ils appartenaient de coeur à leurs provinces natales, mais se distanciaient du mouvement d'émancipation flamand parce qu'ils avaient dépassé le stade de ceux qui avaient besoin d'aide".

On suit ensuite Grite et Castel au Congo. Nicole Verschoore défend l'action du roi Léopold II et des Belges dans ce pays : "Qui connaît la pauvreté du 19ème siècle en Europe, le nombre de victimes de la famine et du choléra, qui se rappelle la misère des ouvriers textiles, des mineurs, des campagnes affamées des pays européens dits civilisés et compare ces données aux annales de l'histoire des pays colonisés d'Afrique, découvrira vite l'incongruité de certaines interprétations tardives concernant le colonisateur usurpateur maltraitant le colonisé. Les généralités en cours sont issues d'une absence totale de connaissance exacte et détaillée, et de l'incapacité du béotien de mettre en perspective la réflexion historique".

Très bien écrit, ce livre se termine par une touche de nostalgie avec le décès de Mamou, la veuve d'Alphonse, qui rappelle à chacun d'entre nous le départ d'un proche. Au-delà des nombreuses références historiques qui retracent l'histoire de notre pays, Nicole Verschoore nous montre que les défunts continuent de vivre tant qu'on parle d'eux, et nous incite à être curieux et à poser des questions sur nos familles : "Les découvertes glissent doucement dans l'oubli mais l'histoire continue, explorée au hasard de la curiosité, par l'insaturable besoin de comprendre".