vendredi 21 décembre 2012

Nouveau livre d'Eric-Emmanuel Schmitt

A l'occasion de la sortie de son nouveau livre "Les deux messieurs de Bruxelles" (éditions Albin Michel), l'écrivain belge Eric-Emmanuel Schmitt a répondu aux questions du "Soir Magazine" :

"Vous menez tant de projets que l'on se demande quand vous avez le temps d'écrire?
- J'ai la chance d'être un jardinier qui récolte ses histoires. Elles poussent toutes seules, se ramifient, trouvent leurs sources dans ma vie et celles des autres, se nourrissent et quand elles sont mûres, je les cueille. Je n'ai pas l'impression de travailler. Ecrire,c 'est seulement trouver le temps de m'asseoir. Je m'assieds alors, j'écris l'histoire (je peux être lent à la composition mais pas laborieux) et puis je repars vers autre chose.

- A l'arrière de votre livre, dans le "journal d'écriture", vous expliquez comment sont nées les nouvelles et présentez la personne ou la situation qui les a inspirées. Les gens simples semblent vous inspirer davantage que les célébrités?
- Parce que je me sens comme cela. Mes grands-mères que j'adorais ont quitté l'école à 14 ans pour travailler. Ces femmes intelligentes n'ont pas eu droit aux études pour des problèmes d'argent. Moi, j'ai eu la chance de faire des études, de fréquenter le milieu intellectuel et puis, après ma réussite, de rencontrer des présidents de la République, des rois, des ministres, des grands artistes, mais cela ne change rien. C'est le coeur humain et la complexité des êtres qui me passionnent. Je ne hiérarchise pas. J'utilise, je recycle tout. Dans ce livre, des anonymes m'ont inspiré, mais Mozart est aussi présent dans ce livre. Dans mon roman précédent, "La femme au miroir", je me suis inspiré de la vie des actrices rencontrées pour certains personnages féminins. J'ai aussi fait un livre sur Hitler et sur Jésus. J'ai des fréquentations diverses.

- Quelles différences feriez-vous entre les hommes et les femmes qui restent de simples anonymes et ceux qui deviennent célèbres?
- Ceux qui réussissent sont habités par une passion dévorante qui peut vampiriser une partie de leur vie intime alors que les gens ordinaires ne sont pas habités par cette passion. Bien sûr, il faut aussi avoir de la chance, sinon la frustration surgit. Dans ce livre, je parle de la frustration et de la façon dont on peut la compenser. Dans la nouvelle "Les deux messieurs de Bruxelles", Jean et Laurent compensent leurs frustrations par un mariage imaginaire et une paternité symbolique.

- Cette première nouvelle qui ouvre le livre parle d'homosexualité. Le sujet, toujours tabou, est délicat à traiter?
- C'est délicat surtout par rapport à la façon dont les autres vont le prendre et particulièrement le monde gay. Dès qu'on a un personnage homosexuel, le monde gay pense que l'auteur représente tous les homosexuels à travers un personnage. Il y a là une démarche identitaire, difficile à dégoupiller. J'étais conscient de cela en écrivant et je n'ai pas eu de problème.

- Vous écrivez : "Quoi qu'ils formassent un couple d'hommes, cette anormalité leur rendait paradoxalement la vie facile puisque deux êtres de sexe identique se déchiffrent mieux que deux êtres de sexe opposé".
- Il me semble plus facile pour un homme de comprendre un autre homme. Au niveau de l'appréhension sexuelle du monde, l'autre est le même dans un couple homosexuel. L'homme sait ce qu'est la pulsion et qu'elle ne l'engage pas plus qu'une pulsion. J'ai ce sentiment que dans un couple homosexuel, suivre sa pulsion puis revenir au couple se vit sans hypocrisie alors que dans un couple hétérosexuel, quand cela arrive, soit le couple se transforme en couple d'échangistes, soit il vit dans la tromperie, l'hypocrisie.

- Dans cette première nouvelle, Geneviève reste auprès de son mari volage par pitié.
- Geneviève a aimé cet homme et sacrifie son bonheur à sa morale. Son amour n'a plus que la forme de la compassion. C'est terrible parce que c'est le renoncement au bonheur et en même temps beau parce que moralement, c'est très haut. Je suis partagé... Ma mère a vécu cela : elle a renoncé au bonheur pour s'occuper de mon père. Cette problématique est intime. Tout le monde ne choisit pas le bonheur.

- Les personnages de votre première nouvelle souffrent de ne pas avoir d'enfant. Vous n'en avez pas. Est-ce une souffrance?
- Oui et non. J'en souffre car avoir des enfants est une sublime expérience. Et je n'en souffre pas parce que toute ma vie, j'ai été l'oncle, le parrain, le beau-père d'enfants qui ne sont pas les miens mais qui sont importants dans ma vie. Hors sanguinité, je peux exercer ce rôle.

- Ce recueil est très personnel. On vous retrouve à travers ces cinq histoires?
- Je m'en rends compte. Même dans la nouvelle "Le chien" qui touche profondément, je suis à la fois le chien et le docteur Heymann. Je suis le chien avec cette façon d'aller vers les autres en mettant 20/20 dès le départ et je suis en même temps le docteur, l'homme déçu par l'humanité et qui a du mal à être humaniste et à y croire.

- Etre romancier, écrivez-vous, c'est avoir la passion des êtres humains?
- Oui mais le romancier n'est pas toujours content de ce qu'il découvre. Regardez le XXème siècle : c'est le siècle des inventions extraordinaires mais aussi celui de la Shoah et des deux guerres mondiales. Clairement, l'homme est le pire et le meilleur. Ce n'est pas parce que l'on veut aimer les hommes qu'on ne doit pas voir le pire. Au contraire, il faut s'approcher du pire".

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2 commentaires :

  1. J'aime beaucoup Eric Emmanuel Schmitt.
    C'est un auteur positif, et de nos jours, c'est extraordinaire de réussir sans étaler de mauvais sentiments à chaque page.
    j'en profite pour te souhaiter le plus joyeux des Noëls, cher Petit Belge, que je lis avec toujours autant de plaisir,même si, emportée par les liens que tu donnes, j'oublie régulièrement de revenir poser un mot chez toi.

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  2. Eric Emmanuel Schmitt est un auteur que j'apprécie beaucoup, j'admire ausi l'homme pour sa simplicité et son intelligence à l'écoute des autres.

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